Cahiers Lituaniens
 

Interview de M. l'abbé Petrošius
(journal La Croix, 16 mars 1958)

 

 
Accueil
Présentation
Sommaire
Editeur
Partenaires
S'abonner
Lire en bibliothèque
> La Lituanie,
pays baltes
> Littérature lituanienne
> Guide de lituanien
Revues amies

   

© Association Alsace-Lituanie
Mentions légales
 

 

M. l'abbé Petrošius, directeur de la Mission catholique lituanienne en France, a bien voulu nous apporter quelques précisions sur l'état actuel de l'Eglise de son pays.

 - Voilà plus de treize ans que j'ai quitté, mon village, ma famille. Les nouvelles que nous recevons ici sont rares, tout de même nous savons que, depuis la mort de Staline, deux évêques ont été consacrés, venant relever l'unique qui restait vivant ; par ailleurs des prêtres sont rentrés de Sibérie, mais sans avoir toujours le droit d'exercer leur ministère. Ce que nous savons c'est que, malgré tout l'endoctrinement, la propagande, les Soviétiques ne sont jamais parvenus à trouver chez nous des prêtres «progressistes» à leur dévotion.

 - Quelle est l'attitude de la jeunesse ?

 - Elle est officiellement élevée sans Dieu. Les prêtres qui exercent ont tout juste le droit de célébrer la messe et non point d'enseigner le catéchisme. C'est peut-être chez nous moins dramatique qu'ailleurs. En effet,dans notre pays, surtout agricole, aux fermes dispersées dans les bois, aux communications difficiles, durant le long hiver, la formation religieuse a, de tout temps, été surtout l'œuvre de la famille. La nouvelle organisation en exploitations kolkhoziennes permettra-t-elle longtemps à cette tradition de subsister? En tout cas, les trahisons sont rares, la solidarité totale. Tout le monde espère en une libération future et n'a qu'une préoccupation : survivre.

 - Quelle est cette mission lituanienne en France dont vous êtes le directeur ?

 - Pour échapper aux Soviétiques, comme je l'ai fait moi-même, des millions de Lituaniens se sont exilés en 1956. Combien ? Nous ne le saurons jamais exactement. Beaucoup transitèrent dans des camps de D.P. (personnes déplacées) avant d'émigrer à tout jamais vers le Nouveau Monde. Mais les Lituaniens actuellement en France y sont venus de bien des façons. Il y eut une première émigration strictement économique en 1925 vers les bassins miniers de l'Est et dans la vallée du Rhône. D'autres furent déportés en France par les Allemands comme travailleurs sur le «mur de l'Atlantique», durant les années 1942-1943. Au débarquement allié, un certain nombre d'entre eux entrèrent dans les maquis français, ils changèrent souvent de nom, se marièrent parfois et s'intégrèrent ainsi à votre pays. Enfin, parmi les engagés de force dans la Wehrmacht, il y eut de nombreux déserteurs qui, devenus apatrides, trouvèrent refuge dans votre Légion étrangère.

 - Et qu’est devenu votre propre famille ?

 - Mes vieux parents sont vivants, ils travaillent en kolkhoze ; mes oncles, déportés dix longues années, sont rentrés dans leur pays, laissant beaucoup de compatriotes en Sibérie, plus ou moins installés dans la déportation. Ceux qui, déportés en famille et qui n'en sont plus au régime des travaux forcés, ne peuvent guère espérer mieux en revenant au pays : c'est partout la même Russie, le même régime.»

 Propos recueillis par M. RENAL

 

Voir également :
> Le programme de la commémoration
> Les orateurs de la commémoration
> Le communiqué de presse de la Mission catholique lituanienne
> Lituanie : la plus jeune nation catholique d’Europe (journal La Croix, 16 mars 1958)
> Saint Casimir, le « cavalier blanc » de Lituanie (journal La Croix, 16 mars 1958)