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Le sculpteur Antanas Moncys

 

" Vandens neseja " (La porteuse d'eau) de Antanas Moncys
La sculpture reproduite en couverture du n°4 - automne 2003 - des Cahiers Lituaniens est une œuvre en bois de Antanas Moncys. Réalisée en 1977, elle est actuellement exposée au Musée Moncys de Palanga, en Lituanie.

Crédit photo : Maison-musée d’Antanas Moncys, Palanga
Avec l’aimable autorisation de Jean-Christophe Moncys.

Antanas Moncys est né en 1921 dans l'ouest de la Lituanie, dans le village de Monciai (district de Kretinga). Il fait ses études secondaires au Lycée des Franciscains de Kretinga qu'il achève en 1941, puis étudie l'architecture à l'Université Vytautas le Grand de Kaunas, de 1941 à 1943. En 1944, il se réfugie en Occident. De 1947 à 1950, il étudie la sculpture à l'Ecole d'art de Fribourg-en-Brisgau où il décroche le diplôme de sculpteur. Il obtient une bourse du gouvernement français pour poursuivre ses études à Paris, où il fréquente le célèbre studio d'Ossip Zadkine. Là, il s'intéresse à l'art avant-gardiste et il commence à participer à des expositions dès 1952. Ses travaux sont exposés en Allemagne, en France (dont vingt chimères pour la cathédrale de Metz et un chemin de croix pour l'église de Laon), en Italie, aux Etats-Unis et en Australie et il enrichit de nombreuses collections privées et de musées des pays d'Europe occidentale. Il est mort en 1993.

[autres sculpteurs lituaniens]


Portrait de Antanas Moncys
par Viktoras Liutkus

Antanas Moncys (1921-1993) fut un artiste infatigable : sculpteur sur bois, tailleur de pierre, il travaillait également le plomb, l'argile, le fer, peignait, dessinait constamment, alternant également stèles funéraires, collages, bijoux, décors de théâtre... A partir d'objets divers, il concevait des masques, des mosaïques, il bricolait des tables, des torchères, des ustensiles de cheminée allant même jusqu'à décorer les œufs de Pâques. Ses talents s'étaient manifestés dès l'enfance. Moncys le disait lui-même : il était « né pour devenir sculpteur ».

Jalonnée de chances, de pertes, d'espoir et de toutes ses œuvres, la grande roue de son destin le conduisit de son village natal de Monciai, en Samogitie, jusqu'à Paris, ville de sa dernière exposition où l'artiste s'éteignit. 

En octobre 1944, A. Moncys avait quitté la Lituanie, devant l'arrivée de l'armée soviétique. Sous les bombes et risquant constamment pour sa vie, il prit alors la route, à travers toute l'Allemagne, vers l'inconnu. Au printemps 1946 enfin, la chance lui sourit : dans un camp de déplacés près de Munich, il rencontre un autre réfugié lituanien, le sculpteur Vytautas Kasuba (1915-1997), qui, après avoir découvert les sculptures sur bois de Moncys, l'encouragera à entreprendre sérieusement des études de sculpture. De 1947 à 1950, A. Moncys étudie à l'École des Arts et Métiers fondée en 1946 par le peintre V.K. Jonynas (1907-1997), et qui se trouvait dans la zone d'occupation française, près de Fribourg. Les méthodes d'enseignement de la sculpture, rapportées de Lituanie par les différents pédagogues, y étaient traditionnelles et sans grand intérêt : le choix des modèles, des plâtres, des formes pour le dessin, l'enseignement de l'art traditionnel, l'ensemble du programme se révélait très rétrograde. Néanmoins, l'obstination et le talent de Moncys portèrent leurs fruits, et l'artiste obtint, en 1950, une bourse pour suivre ses études à Paris.

 

Paris, octobre 1950. Impressions nouvelles, œuvres d'art insoupçonnées, musées, cathédrales : c'est l'époque de la vie riche et bigarrée de l'Ecole de Paris... Moncys mit beaucoup de persévérance à trouver l'établissement où il souhaitait poursuivre ses études. Il fouilla les académies d'art et autres studios de sculpture, pour finalement s'arrêter au studio d'Ossip Zadkine (1890-1967), situé dans l'Académie de la Grande Chaumière également fréquentée par d'autres artistes lituaniens. Moncys appréciait les méthodes d'enseignement de Zadkine, qui offrait à ses étudiants la liberté de créer leurs propres œuvres, les encourageait à chercher leur propre style, et les incitait à se libérer des carquants néoclassiques de l'Ecole de Fribourg. Malheureusement, la bourse de Moncys ne valait que pour huit mois, et ses cours chez Zadkine s'arrêtèrent là. Sa pensée en resta cependant très marquée, séduit qu'il fut par les possibilités de l'art plastique moderne, dont la compréhension l'aida à évoluer à nouveau en tant que sculpteur.

 

L'artiste passa quinze années d'une création active dans un rez-de-jardin de la rue Sevré à Paris, où il s'était installé en 1958. C'est là qu'il déploya son véritable talent de sculpteur. Moncys aspirait à l'utilisation de nouveaux matériaux, à jouer avec les motifs, les formes, à incarner les clairs-obscurs du monde et de l'existence. La souffrance du Christ, les motifs bibliques, les visages, de même que la femme, la mère et l'enfant, la famille, les plantes, les oiseaux, les animaux, le diable, le penseur, le berger... : tous lui paraissaient très proches, il fallait les faire parler par les formes. 

Au printemps 1951, son ami Francis Turbil l'aide à se faire passer commande d'une sculpture de Saint-Joseph, pour l'église Saint-Marcel de Laon, puis un peu plus tard des calvaires du Chemin de Croix, et d'une statue de la Vierge devenue « Notre Dame de la Route » (Laon, le croisement des chemins). Ces œuvres comptaient beaucoup pour le sculpteur. « Les calvaires du Chemin de Croix » (1952) surtout, marqués par une charge émotionnelle emprunte d'une grande gravité. Moncys renonce à mettre l'accent sur la traditionnelle expression du corps, pour se concentrer sur le motif du visage de Jésus. Selon le calvaire, la position du visage change, de même que les sujets typiques. Mais pour chacun d'entre eux (14), l'auteur préserve une énergie très forte, une tension mêlée d'une sérénité d'ensemble. Moncys y démontre sa maîtrise du langage plastique, et s'impose alors comme un véritable professionnel dans son métier. 

Le motif christique est présent dans six autres de ses œuvres. Sous les mains de ce Lituanien, le Christ est un penseur calme, concentré, acceptant tranquillement son destin (« Christ », 1952 ; « Tête de Christ », 1954). Cette représentation du visage du Christ sera pour lui le point de départ de la sculpture de visages massifs et monolithiques (« Contemplation », 1954). Seuls les visages tristes et songeurs, et la position des mains de ses sculptures rappellent les statuettes traditionnelles lituaniennes vouées au dieu protecteur. Moncys n'en sculptait pas, considérant comme inadmissible la répétition d'œuvres à l'effigie des dieux, à laquelle s'adonnaient les représentants du courant traditionnel.

 

L'humanité des œuvres de Moncys s'incarne dans des motifs appelant à l'harmonie, au calme et à la proximité des hommes. Citons les motifs de la mère et de l'enfant (« La mère », 1955 ; « Maternité », 1957), celui de l'ange gardien (« Ange gardien », 1952), des jeux de bergers, de la famille, des plantes, et des nombreuses silhouettes féminines représentées tantôt avec des fleurs, tantôt assises, debout, agenouillées, songeuses...

 

Les statues de Moncys sculptées dans les années cinquante incarnent un changement des lignes et notamment des silhouettes dans sa sculpture. Dans de nombreuses œuvres, la silhouette se développe à partir d'un oiseau (« Pélican », 1954 ), vers le corps humain. Cette inspiration provenait en droite ligne des cours de Zadkine (« A », 1952 ; « Femme agenouillée », 1953). D'autres exemples démontrent la proximité de l'artiste avec l'art moderne découvert par Moncys à Paris. Une expression dynamique et les formes si pleines de vie qu'il façonnait conduisaient le sculpteur vers un mode d'expression abstrait. La silhouette, chez Moncys, se rapproche peu à peu du signe, le corps devient symbole, métaphore. Exemples typiques : « Draperie » (1957), « L'architecte » (1958) (deux sculptures monumentales), et « La femme au réveil » (1961). Les silhouettes en métal élaborées à partir d'axes verticaux consistent dans des abstractions cubistes caractérisées par l'homogénéité de la masse et une structure fermée alternant surfaces et creux.

 

Toutefois Moncys n'est pas un sculpteur abstrait. Les formes d'où la nature est absente lui paraissent muettes. En façonnant les détails, il cherchait à maintenir une esthétique plastiquement homogène, organisée d'un point de vue structurel, et possédant des champs d'association. Cet aspect est très visible dans ses petites sculptures en bois recouvertes de bronze, ou dans ses moulages de plomb où prédominent la structure des formes, la dynamique des cavités et des volumes (« Le rythme », 1961 ; « Montagne de tranquillité », 1964). Il s'agit de particularités de Moncys également sensibles dans la statue de Saint François sculptée à partir d'un monolithe d'albâtre, en 1966. Cette statue, on peut le dire, couronne les œuvres religieuses de Moncys. L'éclosion d'un bouton de fleur, malgré la densité et la taille de l'ouvrage (1,60 m de haut) prend vie grâce à l'expansivité des rythmes ascen­dants, et l'enserrement de l'espace dans la pierre. Il s'agit du résultat de longues recherches formelles consistant à rendre les formes abstraites, à éliminer les détails, de manière à créer une structure formelle laconique, déterminée par le rythme des masses, les rapports entre volumes et creux.

 

L'entourage parisien de Moncys contribua à influencer le sculpteur, à le « polisser », et à lui apprendre. Ses œuvres datant des années 1960 et 1970 portent la marque de la sculpture de la première moitié du XXème siècle, mais également celle de leur temps. L'auteur devait choisir, il était impossible de tout embrasser : « Paris est une écuelle telle, qu'il faut y puiser à la louche, pas à la cuillère », écrivait-il dans une lettre à un de ses amis de l'Ecole, les Palubinskai (Paris, le 17 mars 1951). Ses œuvres également montrent de certains échos à la sculpture d'avant-guerre, de même que d'allusions aux dessins et sculptures de H. Moore, B. Hepworth, H. Arp, H. Laurens, J. Lipchitz, R. Duchamp-Villon, P. Picasso, H. Matisse... Ces artistes ont beaucoup de motifs en commun avec Moncys : la femme (assise, agenouillée, en train de jouer), les oiseaux (des hiboux), les plantes, les mains, les profils, les musiciens, etc. Dans le choix de ses motifs, Moncys pouvait « répéter », mais manifestait également la prudence d'un véritable Samogitien. Il observait, aimait, mais n'imitait pas, et ces ressemblances laissent simplement penser que Moncys représente définitivement un artiste ancré dans le champ artistique et les traditions européennes de la sculpture du XXème siècle. Le classicisme de l'art européen découvert par Moncys à Paris l'avait déconvenu. 

« Je n'ai pas fait mes sculptures, je les ai mises au monde ». Ces paroles de l'artiste conviennent à la compréhension des sculptures squelettiques et décharnées de Moncys, faites de bois et donc transformables. Il s'agissait d'un pas supplémentaire dans la sculpture, porteur d'un souffle nouveau dans la création plastique et qui rendait cette dernière moins prévisible, plus énergique, introduisant des éléments jusque là inexistants dans les techniques de la sculpture sur bois. 

Antanas Moncys s'est inspiré de l'art traditionnel, et notamment des chaînes en bois ajourées accrochées près des rouets lituaniens traditionnels. La première œuvre à incorporer la « séparation » des éléments en bois s'intitule « La mère » (1970). Il s'agit d'une chaîne d'à peu près quatre mètres et demi de long, composée de six parties, et qui étonne par la combinaison impressionnante de ses chaînons. Elle introduit un changement dans la sculpture, modifie le rythme, les proportions des masses, les transpose. La sculpture est devenue mouvante, a acquis une énergie interne et des éléments de jeu. Dans sa chaîne la plus longue, intitulée « Infini » (1970 ; 5,40 mètres), dans les sculptures « La porteuse d'eau » (1977), et « Le prédicateur » (1983), la précision de l'artiste et la modélisation des chaînons sont encore mieux visibles. Moncys a créé un type de chaîne unique, dressée vers le haut et répondant aux colonnes infinies de C. Brancusi (« La Colonne sans fin », 1918 ; « La Colonne infinie », 1937).

 

Les sculptures de chaînes font naître d'intéressantes images et associations. Très liées à la nature, elles se nourrissent de sa force. Une forme naît, grandit à partir d'une forme voisine. La ligne ininterrompue du bois élance la chaîne telle une liane. Il s'agit-là d'une association végétale, compa­rable à l'herbe surgissant sous la poussée verticale : une plante, un fruit mûrissant. Une autre associa­tion concerne la féminité. Des éléments féminins évidents s'incarnent notamment dans les volumes des sculptures les plus massives, ondulants, où des poitrines se changent en tailles minces, les lignes des corps en creux et les contours arrondis en silhouettes élancées. Les formes se concentrent en tailles gracieuses (« Gitane », 1975 ; « Bonjour », 1977). Les motifs inspirés par la nature, quant à eux, s'incarnent dans la densité de la sculpture (« Un oiseau », 1974). Les sculptures de Moncys évoquant la féminité et la fertilité consistent en des entrelacements, des déversements, de creux en creux, la forme grandit tel un fœtus dans les entrailles de la structure. C'est l'influence de H. Moore. 

Mais toutes les sculptures de Moncys ne sont pas marquées par le même optimisme, et beaucoup sont moins proches de la vie. Ainsi en va-t-il des squelettes, crânes et autres visages spectraux et de leurs longs défilés sur les reliefs de l'artiste (« Le squelette I », 1975 ; « Le squelette II », 1977 ; « Procession sans fin », 1979/ « Un jour, il s'est mis à sculpter un os. Il m'a dit que c'était sa manière de se préparer à la mort » se souvient sa seconde épouse. Et l'os n'était pas un simple matériau : les articulations, les jointures intéressaient beaucoup le sculpteur. Ces squelettes pétrifient par leur construction en vides, par leurs extrémités mouvantes et une « anatomie » quelque peu lugubre. 

Dans les années 1970 et 1980, la pierre et le bois redeviennent les meilleurs alliés de Moncys. Dans ses sculptures en bois, il développe ce qu'il avait commencé dans sa période précoce, composant des sculptures de corps et renouvelant ses formes en profondeur. Les sculptures de cette période renvoient à son village natal, Moncys y exprime ses souvenirs d'enfance, les images conservées par sa mémoire, qu'il incarne comme autant de représentations de la culture lituanienne. Il parvient ainsi à relier l'école parisienne au sentiment de la nature inspiré par son pays natal, à transformer le bois en un instrument sur lequel il interprète des mélodies extraordinaires.

 

Paris n'avait pas souri à Moncys sur le plan matériel. Le sculpteur ne savait pas composer avec les requins de l'art. Son caractère opiniâtre mais calme et silencieux lui rendait les nouvelles rencontres difficiles. Il refuse les commandes commerciales des galeries, ne sait pas marchander. A Paris, Moncys est solitaire, mais digne et droit comme un chêne de son village de Samogitie. 

Moncys dessinait beaucoup. Il disait : « Le dessin pour moi, c'est comme faire des gammes, il faut le faire tous les jours ». Il dessinait sur toutes les surfaces : de vieilles affiches, le dos de publicités, des morceaux de carton, des invitations aux vernissages d'expositions, des papiers, des boîtes d'emballage, des couvertures de cahiers usées... Il s'agit de dessins très variés. Tout d'abord, Mon­cys faisait ce que font tous les sculpteurs, il fixait les formes de ses futures œuvres, les élaborait sur le papier, se rapprochant ainsi de la forme finale (5ième déc. : les oiseaux, les femmes, les bêtes, les poissons, les mains, croquis pour la sculpture « La Porteuse d'eau », 1977 ; « Les projets de sculpture », 1962,1964, et autres). Dans d'autres dessins, l'auteur n'attache pas d'attention particulière aux formes de la future sculpture, il fait varier son motif, le combine, le transforme, réunit les formes, les profils, modifie leurs cadences, fait se rejoindre dans l'espace des figures et des silhouettes « jumelles » (« Dessin de visage »). Dans d'autres croquis encore, Moncys est libre, ne fait aucun exercice, il improvise les lignes, les couleurs, les factures, crée des fantaisies surréalistes, s'amuse, joue avec formes et corps (« Portraits », « Le profil droit d'un homme », « Les souvenirs éclatés », « Les spectateurs », 8ième déc.), comme jouant des mélodies faites de sentiments, d'intuitions, mais sans suivre la partition. Dans ces dessins, l'artiste de distancie de la sculpture. Son goût pour le jeu, la visualisation, les associations, la représentation d'un monde aux formes fantastiques le conduisent à entreprendre les illustrations bigarrées de l'ouvrage d'Oscar Milosz Contes et fabliaux de la vieille Lituanie, dessinées sur le texte ou dans les marges. 

Au milieu des années soixante-dix, époque à laquelle prédomine son activité sur le bois et les chaînes, Moncys s'intéresse aux sifflets. Il s'agit également et encore d'un retour vers son enfance et son pays natal. Au départ, les formes sont simples, très proches des petits sifflets lituaniens en argile. Avec le temps, ils deviendront de plus en plus complexes, prenant des formes originales. L'idée de Moncys est d'allier la plastique du sifflet à la possibilité de jouer avec lui des mélodies simples. Il crée ainsi des sifflets pour deux personnes, des « masques-sifflets », en argile (« Le grand sifflet », 1985), des sifflets en forme d'oiseau, de coquille, d'herbe. L'association sifflet-masque intensifie l'impression dégagée par ces sculptures. Moncys lui-même, dans les académies d'été, jouait de ses sifflets.

 

Une autre étape dans son chemin créatif fut celle des masques, masques samogitiens « mo­dernisés », composés de restes de bois et d'objets divers. Les masques ont été inspirés à Moncys à Paris par l'époque de son enfance, les déguisements des fêtes lituaniennes du Mardi gras et des Trois rois. En parallèle des masques d'inspiration lituanienne, Moncys s'intéresse à la sculpture sur bois et aux masques rituels africains découverts dans les années 1960 dans les musées parisiens. Ses masques, toujours faits d'objets hétéroclites et de copeaux de bois introduisent des éléments de comique, d'absurde. Imaginés sur le thème du « double », ils mettent l'accent sur une fonction théâtrale du masque. Arborant le masque, l'individu maquille son corps ; jouant du sifflet, il devient une sculp­ture animée. Moncys associait masques et vêtements. Ses masques multicolores aux couleurs vives étaient portés lors des académies d'été en Vendée. Les œuvres d'Antanas Moncys deviennent actrices des projets théâtraux de son fils Jean-Christophe. Symboliquement, ifs furent la dernière tentative de métamorphose sur le thème du visage, cher à l'auteur. Parti d'un visage digne, noble ou radieux (« Les calvaires du Chemin de Croix », les têtes de Christ, de penseurs, etc.), Moncys s'achemine vers un visage primaire, naïf, spontané. Du sérieux, il dérive vers le jeu, la dérision, de la culture, la civilisation vers l'instinct primai et l'action libre. Il s'agit d'un retour vers l'enfance libre et « sauvage » d'un l'homme.

Ainsi la roue de la création et de Inexistence d'Antanas Moncys acheva son tour, l'artiste saluant son enfance. Le commencement rejoint la fin. 

Un jour, Moncys dit : « J'aime quand les personnes qui observent mes œuvres ont envie de les toucher, de les caresser. C'est une manière de les achever. Seul, je ne peux jamais achever mon travail... ». Alors, allons toucher ses sculptures. 

Traduit du lituanien par Agne Ranonyte
©
artseria 2003.

Pour en savoir plus :
http://www.muziejai.lt/Palanga/A_Moncis_mus.fr.htm